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Une réponse romaine bien décevante au dialogue entre catholiques-romains et vieux-catholiques

Dernière mise à jour : 7 juil. 2023

Le Professeur Adrian Suter analyse la prise de position du Dicastère romain pour la doctrine de la foi concernant les textes du dialogue international officiel établi entre l'Eglise catholique romaine et l'Eglise vieille-catholique (ou catholique-chrétienne).


Les relations œcuméniques entre l'Eglise vieille catholique (catholique-chrétienne) et l'Eglise catholique romaine sont affectées par l'histoire de la séparation. Il est d'autant plus réjouissant que la Commission internationale de dialogue entre catholiques romains et vieux-catholiques (IRAD) ait pu trouver un terrain d'entente sur de nombreuses questions litigieuses. Ses deux rapports qui ont été publiés en 2009 et en 2016 ont donné des raisons d'espérer. [Le rapport 2009 est paru en français dans le revue ISTINA N° 1 Janvier-Mars 2012]. La réponse du Vatican est désormais arrivée. — elle est malheureusement très décevante.


" Eglise et communion ecclésiale " — tel est le titre de ces deux rapports sur le dialogue international entre catholiques romains et vieux-catholiques (IRAD). Dans le cadre d'une discussion œcuménique approfondie, la Commission de dialogue avait élaboré une compréhension commune de la manière dont l'Eglise fonctionne en tant que Communauté d'Eglises locales, de la manière dont les Eglises sont en communion les unes avec les autres et le rôle du Pape dans une communauté mondiale d'Eglises.


Dans son rapport, l'IRAD était arrivée à la conclusion que l'Eglise catholique romaine et l'Eglise vieille-catholique avaient une compréhension fondamentale commune du catholicisme et que les différences avaient moins de poids. Celles-ci seraient une sorte de "querelle de famille" entre les deux Eglises. Ce qui fait qu'on pourrait à l'avenir recréer une communion ecclésiale entre les deux Eglises et considérer les différences existantes comme des divergences d'opinion légitimes au sein d'une même famille.


Réception des dialogues œcuméniques


Reste que ce n'est pas une Commission qui décide de la Communion ecclésiale, mais bien les Églises participantes. On appelle ce processus "réception". Par exemple, en Suisse, le synode national catholique-chrétien s'était déjà prononcé positivement sur ce dialogue et sur ses résultats. Mais le Vatican n'avait pas encore réagi. C'est désormais chose faite : Le cardinal Gerhard Ludwig Müller a publié un commentaire sur les documents de l'IRAD de 2009 et de 2016. Le Dicastère pour la doctrine de la foi, dont le cardinal Müller a été le préfet de 2012 à 2017, "s'est approprié les deux commentaires et a donné son accord pour leur publication le 3 janvier 2023", comme l'écrit le cardinal Kurt Koch à Bernd Wallet, archevêque d'Utrecht.


Le cardinal Müller salue le rapprochement obtenu par le dialogue comme un "succès partiel important". Il peut tirer des côtés positifs des réflexions sur la compréhension de l'Eglise, le rôle du pape et les dogmes mariaux. Il ne voit pas non plus de raison de se séparer du célibat. Il est même prêt à permettre aux prêtres catholiques romains qui se sont convertis au vieux-catholicisme, "dans un acte unique de réconciliation et de sanctification, une reconnaissance de la poursuite de leur ministère dans les Eglises de la tradition spécifiquement vieille-catholique". Mais cela ne vaut que pour le passé : "Mais à l'avenir, les prêtres catholiques ayant promis le célibat ne pourront plus se rendre dans un diocèse d'obédience vieille-catholique uniquement pour se marier".


L'ordination des femmes, un obstacle à l'unité ?


Malgré cela, le cardinal Müller oppose un refus clair à une éventuelle communion ecclésiale : "Le problème le plus difficile à l'heure actuelle, qui empêche une pleine communion, est l'ordination sacramentelle des femmes dans la plupart des Églises vieilles-catholiques. Il ne s'agit pas seulement d'une interprétation différente d'un objet de foi commun, mais du fait d'une intervention dans la substance du sacrement de l'ordre". Pour le cardinal Müller, seul un abandon de cette pratique d'ordination par les Eglises vieilles-catholiques peut conduire à une communion ecclésiale : "La communion ecclésiale avec l'Eglise vieille-catholique... présuppose que l'on déclare la nullité de cette ordination des femmes et que l'on renonce à l'avenir à l'ordination de femmes au ministère sacramentel et que l'on revienne ainsi à la tradition commune de toutes les Eglises d'inspiration catholique".


Si l'on accédait à la condition du cardinal Müller, cela aurait en outre pour conséquence que les femmes diacres et prêtres catholiques chrétiens et vieux-catholiques actuels devraient également renoncer à leur ministère : Leurs ordinations seraient en effet déclarées nulles. Il est clair qu'une telle condition est inacceptable du point de vue des catholiques-chrétiens. C'est ce qu'a affirmé sans équivoque l'évêque Harald Rein dans une interview accordée à www.kath.ch : "Nous continuerons bien entendu à ordonner des femmes diacres et prêtres et, espérons-le, bientôt évêques".


L'infaillibilité par la petite porte


La problématique est toutefois plus profonde. Cela devient clair lorsque nous lisons la justification du cardinal Müller : "Cette décision sur la substance du sacrement de l'ordre revient uniquement au magistère suprême du pape et des évêques en union avec lui". Il n'est donc pas seulement d'avis que la décision vieille-catholique (catholique-chrétienne) sur l'ordination des femmes était erronée. Il pense également que l'Église vieille-catholique (catholique-chrétienne) n'aurait pas eu la compétence de prendre une telle décision.


Le cardinal Müller renvoie à la lettre apostolique "Ordinatio sacerdotalis" du pape Jean-Paul II de 1994, dans laquelle le pape avait affirmé "que l'Eglise n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette sentence doit être définitivement maintenue par tous les croyants". Le cardinal Müller estime qu'il s'agit d'une décision définitive du pape, derrière laquelle son Eglise ne peut pas revenir. Or, c'est précisément ce qui est contesté au sein de l'Église catholique romaine et de la théologie.


La lettre apostolique de 1994 n'est pas une décision ex cathedra, c'est-à-dire une décision pour laquelle le pape revendique l'infaillibilité que le premier concile du Vatican lui avait attribuée en 1870. Or, si le cardinal Müller considère le refus de l'ordination des femmes comme définitif et immuable, cette décision acquiert le même statut qu'une décision ex-cathedra. En d'autres termes, cela donne l'impression que l'infaillibilité du pape, l'une des principales raisons de la protestation vieille-catholique dans les années 1870, entre en jeu "par la petite porte", bien que "Ordination sacerdotalis" ne remplisse pas les critères d'une telle décision.


Affection personnelle


La prise de position du cardinal Müller et du Dicastère romain n'est pas seulement problématique d'un point de vue théologique, mais aussi au niveau personnel : les femmes ordonnées prêtres ou diacres accueilleront avec une consternation le fait que l'exercice de leur ministère soit présenté comme un obstacle à la communauté ecclésiale entre les deux Eglises — une telle déclaration manquant pour le moins de tact. Il est également difficile pour les œcuménistes des deux Églises de voir leurs efforts différenciés pour une vision commune dévalués par un trait de plume de Rome. Cela ne concerne pas seulement le thème de l'ordination des femmes : du début à la fin, la prise de position du cardinal Müller donne l'impression qu'il ne soutient pas la compréhension de l'Église élaborée en commun dans les rapports de l'IRAD, mais qu'il laisse seule la compréhension traditionnelle du magistère catholique romain s'appliquer et la considère comme universellement contraignante.


Dans ce contexte, il est également significatif de constater à quel point le processus de réception se déroule différemment dans les deux Eglises : Du côté vieux-catholique, des synodes nationaux se sont exprimés sur le rapport, différentes voix se faisant entendre dans la réception ; du côté catholique romain, en revanche, seule la prise de position du Vatican est pertinente.


Comment cela va-t-il se passer maintenant ?


Mais quelle est notre position vieille-catholique/catholique-chrétienne sur la communion ecclésiale avec l'Église catholique romaine ? Il a été proposé de réagir de la même manière. Certains affirmant qu'il n'y aura de communion que si l'Église catholique romaine commence elle-même à ordonner des femmes comme prêtres.


certes une telle décision de l'Eglise catholique romaine à propos de l'ordination presbytérale des femmes serait, du point de vue vieux-catholique/catholique-chrétien, un pas extrêmement réjouissant, mais ne serait en aucun cas une condition préalable à la communion ecclésiale : l'Eglise vieille-catholique/catholique-chrétienne ayant toujours adopté le point de vue de ne pas dicter sa conduite aux autres Eglises sur cette question, tout comme elle ne se laisse pas dicter sa conduite à elle-même. L'Union d'Utrecht, la Communion des Eglises vieilles-catholiques/catholiques-chrétiennes est et reste en communion avec l'Eglise catholique polonaise en Pologne, ainsi qu'avec huit provinces ecclésiastiques anglicanes, qui toutes n'admettent pas les femmes au ministère ordonné.


D'un point de vue vieux-catholique/catholique-chrétien, je ne considère pas que les différences dans l'admission des femmes au ministère ecclésiastique constituent le principal obstacle à une communion avec l'Église catholique romaine. La pierre d'achoppement est plutôt la prétention ininterrompue de Rome à décider seule et pourtant de manière contraignante pour tous. Dans les rapports de l'IRAD, la Commission de dialogue a présenté conjointement un modèle et des critères selon lesquels une Communion ecclésiale entre l'Eglise catholique romaine et l'Eglise vieille-catholique serait possible. Je ne peux pas m'empêcher de penser que le Dicastère pour la doctrine de la foi fait valoir exclusivement ses propres critères. Dans la collaboration œcuménique, cette attitude est un problème.


La suite des événements semble pour l'instant ouverte. Les relations ne seront bien sûr pas rompues, les discussions se poursuivront à différents niveaux, mais les espoirs de la Commission de dialogue ne se sont pas réalisés.


Jusqu'à présent, la prise de position n'est "que" celle du Dicastère pour la doctrine de la foi. Cela laisse la porte au moins entrouverte pour l'avenir. Car après tout, dans le système catholique romain, tant qu'il n'y a pas de décision du pape, ce n'est pas définitif. Cela donne de l'espoir pour l'avenir, mais souligne en même temps le problème. Car c'est précisément contre cette concentration de la responsabilité entre les mains d'un seul individu que les fondateurs vieux-catholiques/catholiques-chrétiens du 19e siècle se sont élevés. Pour moi, la prise de position sur les rapports de l'IRAD montre qu'il est encore nécessaire de se mobiliser pour défendre la position vieille-catholique/catholique-chrétienne.


Adrian Suter


Le Prof. Adrian Suter est coprésident de la Commission de dialogue catholique-chrétien et catholique romain en Suisse. Cette Commission de dialogue avait été chargée par la Commission internationale de rédiger le chapitre sur les dogmes mariaux pour le deuxième rapport de l'IRAD.



Salutations du pape François et de l'évêque de l'Eglise vieille-catholique d'Autriche, Heinz Lederleitner, à l'occasion de sa visite à Rome en janvier 2023.









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