HOMÉLIE DE L'ORDINATION DIACONALE DE Mr LAURENT SOLON - PAROISSES DE PRISCHES & LILLE

Ordination diaconale de Laurent Solon

Cher Laurent

Chères Sœurs et frères,

Il y a quelque chose de particulier à être ordonné diacre en ce jour de la fête de la Sainte Croix. Être diacre est-il alors une croix à porter ? J'espère que non et je pense que non. Cela a toutefois un rapport avec la croix, dans le sens où la croix renvoie à la face obscure de la vie, y compris celle de Jésus. Dans mes pensées, je vous accompagne, Laurent, ainsi que le père René, dans la salle de consultation, à côté de cette chapelle. Vous vous y trouvez souvent, avec des personnes qui vous ont rendu visite parce qu'elles cherchaient une oreille attentive et le soutien de leurs semblables.

La vie a ses côtés sombres. Chacun d'entre nous y est confronté. Il peut s'agir de maladie et de solitude, d'impuissance et de souffrance, ou de culpabilité. Vous pouvez être malade sans espoir de guérison, vous pouvez être dans un mariage malheureux, ou vous pouvez devoir faire un travail désagréable et inutile pour gagner votre vie. Ce ne sont là que quelques exemples, car il existe de nombreuses expériences qui peuvent être vécues comme une croix à porter. Les prêtres ont souvent dit qu'il fallait prendre sa croix et supporter ce qui se présentait sur son chemin. Au nom de la croix, on prêche la patience et la résignation. La croix est alors utilisée pour enfermer les gens dans un rôle de victime. Mais un tel conseil est-il vraiment juste ? Est-ce cela que l'Évangile attend de nous : la résignation ?

Jésus a-t-il jamais dit que les gens devaient endurer tout ce qui se présentait sur leur chemin ? Ne nous a-t-il pas plutôt appelés à lutter ? Car ce ne sont pas la solitude ou la souffrance, le poids de la culpabilité, la mortalité et la mort qui sont les signes de la croix. Au contraire, la croix nous met au défi de nous unir à l'engagement de Jésus pour le bien-être des hommes. Jésus n'est pas mort sur la croix parce qu'il voulait souffrir. C'est tout le contraire : c'est parce que Jésus s'était radicalement donné à son Père, qui veut une vie heureuse pour chaque être humain, qu'il est entré en conflit avec les chefs religieux de son temps. Ceux-ci voyaient leurs convictions menacées et ne pouvaient manifestement pas laisser cela se produire. Si Jésus devait donc être éliminé, qu'il en soit ainsi. Jésus ne pouvait échapper à ce destin, du moins s'il voulait rester fidèle à sa vocation.

Beaucoup de chrétiens après lui ont dû suivre un chemin similaire. Ce sont les martyrs. De nos jours encore, il arrive que des personnes qui s'engagent au nom de l'Évangile pour améliorer le sort des autres le paient de leur vie. Pensons à l'évêque Ramento de notre Église sœur philippine, qui a été brutalement assassiné en 2006 en raison de son engagement en faveur des paysans pauvres. Et il y en a beaucoup d'autres, et il y en aura encore beaucoup d'autres, chaque année.

. ₇Mais tout ce qu’il avait, il l’a laissé. Il s’est fait serviteur, il est devenu comme les hommes, et tous voyaient que c’était bien un homme. ₈Il s’est fait plus petit encore : il a obéi jusqu’à la mort, et il est mort sur une croix ! (Fil. 2, 7-8)

Ce n'est pas pour la croix, ce n'est pas pour la souffrance qu'il a obéi, mais pour sa vocation qui consistait à montrer qui est Dieu et comment Dieu rêve des hommes et de leur bonheur. L'homme n'a pas été créé pour être malheureux, pour souffrir, pour être opprimé ou pour opprimer, ni pour se battre. L'être humain peut instaurer la paix et créer des liens. Les êtres humains peuvent prendre soin les uns des autres et être solidaires. Les êtres humains sont capables de se rendre heureux les uns les autres, même si la vie n'est pas toujours facile.

C'est ce que signifie l'obéissance de Jésus. Il ne s'agit pas d'une obéissance à une sorte de jugement rendu par un Dieu cruel qui mènerait une vie complaisante loin de nous. Il s'agit de l'obéissance à la nature de l'être humain – qui est à l'image de Dieu – c'est l'obéissance au cœur de l'être humain qui est fait d'amour, de solidarité, de communauté...

C'est cette obéissance qui a conduit Jésus à la croix. « Obéissance » est également un mot chargé d'histoire dans notre tradition chrétienne. Il faut y prêter attention, car il s'agit d'une obéissance à Dieu qui coïncide totalement avec une obéissance aux hommes. C'est une obéissance qui a tout à voir avec « entendre » – « écouter ». Une écoute attentive, comme un médecin qui écoute attentivement votre corps avec son stéthoscope pour découvrir ce qui pourrait ne pas aller. Si nous écoutons ainsi les autres, notre monde, la société, la culture, alors il se crée un lien, une communauté, une amitié. L'obéissance comme une forme d'« écoute » qui permet aux gens de se redonner mutuellement de l'espace et du souffle, de se redonner vie à chaque instant. Dans cette obéissance, nous reflétons qui est Dieu et comment c'est Dieu qui nous donne le souffle de vie.

L'art de se vider de soi-même n'a donc rien à voir avec une exclusion douloureuse de soi-même et le fait d'ignorer ses propres besoins, car chacun d'entre nous peut compter sur le fait d'être écouté. Personne ne peut se passer de l'oreille attentive d'autrui, personne ne peut se passer de l'oreille attentive du Père de Jésus, notre créateur, celui qui donne la vie.

Toutes ces réflexions sur l'obéissance comme disposition à écouter nous ramènent dans cette petite pièce de cette chapelle où les gens cherchent une oreille attentive et un soutien. Les gens ont raison de chercher cela dans l'Église, car cette vocation à écouter est en fait au cœur même de l'Église. Même si l'Église s'est souvent montrée dominante et arrogante dans le passé, et parfois encore aujourd'hui, elle est appelée à suivre Jésus dans son obéissance. Si Jésus, au nom de Dieu lui-même, est devenu le serviteur des hommes, l'Église ne peut alors aspirer qu'à devenir elle aussi la servante du bonheur des hommes. Le diacre est précisément le symbole de cette vocation de l'Église. Il ou elle doit rappeler à l'ordre les évêques et les prêtres afin qu'ils ne se perdent pas dans leurs propres convictions ou, pire encore, dans la croyance en leur propre importance imaginaire. Le diacre aide ses collègues à garder les pieds sur terre et définit la communauté qu'il ou elle est appelé(e) à servir dans sa vocation : être là pour donner vie aux autres et à beaucoup d'autres encore. Comme Jésus l'a fait.

Le diacre est donc tout à fait à sa place dans la salle de consultation de cette chapelle. En écoutant sans juger, la confiance peut s'installer. Les gens trouvent la paix et envisagent l'avenir avec un espoir prudent. En écoutant, le brouillard de l'incrédulité se dissipe, on fait l'expérience de la douceur et de l'amitié comme seul Dieu peut les faire ressentir. Bien sûr, la parole salvatrice de Dieu doit également être prononcée, c'est le rôle du prêtre, mais pas sans que le diacre ait d'abord fait de la place pour l'écoute. Oui, c'est vrai : de nombreuses tâches peuvent être confiées au diacre, mais le cœur de sa fonction reste l'écoute, l'écoute même de Dieu.